Le colosse roux, géant parmi les géants des Cimefroides, assis dans une sorte de fauteuil taillé à même le tronc du chêne centenaire et patiné par les ans, est en train de fabriquer des flèches.
Pour le bois, recette familiale issue de son grand père, son pauvre grand père qui lui a tout appris de l’art de la chasse à l’arc long, il utilise des pousses de cornouiller ramassées le long des chemins, pour les pointes, il s'est procuré des silex tranchants auprès d'un marchand ambulant et pour l'empennage il a chapardé dans la basse-cour de sa vieille mère des plumes de coq et de poule.
A ses pieds, un énorme grizzly sommeille et profite de la chaleur de l'âtre pour se réchauffer.
Dehors, la bise souffle et la neige se ramasse en congères, un temps à ne pas mettre un loup dehors. Dedans, il fait doux et aucun bruit, si ce n'est le crépitement des bûches dans le foyer, ne vient perturber Mathgen dans la confection de ses précieuses flèches.
"RHA.. RHO.. ZZZZZ.. RHA.. RHO.. ZZZZZ.."
"PLUME, ARRÊTES DE RONFLER, MERDE ! Tu ne m'aurais pas été confié par notre chaman, le vieux Jademire, ça ferait longtemps que je t'aurai transformé en couverture chaude. Mais si tu continues à perturber mon travail, tu vas aller passer la nuit dehors. COMPRIS ?"
Le dit Plume, 812 kg au compteur (c’est l’hiver il fait du gras, mais dès le printemps il retrouvera son poids de forme, 808 kg…), aux hurlements du rôdeur répond par un tressaillement de l’oreille droite et en signe de soumission s’étire de tout son long, baille et glisse sa patte gauche sous son menton pour être dans la position optimale pour reprendre sa petite sieste.
5 minutes, plus tard, le ronflement de forge reprend de plus belle…
Mathgen, à bout de nerfs, se dit que le printemps est encore loin et qu’il aura bien le temps de préparer ses nouvelles flèches avant les premières chasses. Il délaisse son ouvrage et vient s’allonger à même le sol, la tête calée sur le ventre de l’ours.
"Brave bête, on va dire que tu n’as pas que des défauts, ta bedaine est le plus confortable de tous les coussins. Dors bien ma grosse et évites de te gratter le ventre durant ton sommeil, j’ai horreur d’être réveillé par des griffes me labourant le visage. "
Le rôdeur, porté par les bruits de son compagnon, ne tarde pas à le rejoindre dans un sommeil profond et un concert de ronflements emplit la cabane.
